S’expatrier (et se marier) en pleine pandémie mondiale

13/07/2020

Aujourd'hui j'ai décidé de parler d'un sujet un peu plus sérieux et bien moins rigolo que d'habitude, donc pas d'histoire de céréales multicolores ou de truck à testicules mais plutôt une mise à l'écrit de mon ressenti et de ma profonde déception par rapport à la situation actuelle. Pour remettre les choses dans leur contexte, après deux ans et demi de relation avec mon chéri américain il a fini par me convaincre que le mariage était la seule « solution » possible et raisonnable pour me faire venir aux USA avec lui. J'ai fini par accepter ce changement de vie soudain et ce saut en avant dans la vie adulte après un an de rigolade à l'université américaine, un an de relation à distance et 7 mois à vagabonder en Australie avec mon sac à dos et je me suis dit que non je ne devais pas voir ça comme une solution mais plutôt me rendre compte que ma vie serai différente de ce que j'avais pu imaginer dans ma tête d'ado. Autant vous dire que cette décision était difficile à accepter car au lieu de me demander ce que je voulais moi je me suis posé la question de ce que les autres diraient et de comment j'allais annoncer ça à mes parents. Avec du recul aujourd'hui je me dis que je suis bête de m'être autant angoissée pour tout le monde au lieu de me demander ce que je voulais moi vraiment. Bref je ne vais pas rentrer dans les détails et en avril 2019 nous envoyons le dossier pour obtenir le visa K-1 (les nombreuses personnes dans notre situation comprendront bien tout ce que cela représente) et en février 2020 donc quasiment un an après je reçois l'autorisation d'aller aux Etats-Unis afin de me marier. Cette étape qui n'était que la première d'une longue série à duré 10 mois et nous a coûté environ 1500 dollars (visa, médecins etc...) car aux Etats-Unis tout a un prix.

Le 8 février je m'envole pour les US avec une légère appréhension que je comprends bien mieux maintenant et mes trois masques de la grippe aviaire au fond de mon bagage à main pour rassurer mes parents. En descendant de l'avion c'est les retrouvailles, c'est chouette on est content, c'est toujours mieux de se retrouver que de se quitter et on commence à bien connaitre ces deux sentiments après le nombre d'allés-retours que nous avons fait entre la France et les Etats-Unis. Le 12 février on se marie à Pongo, Virginia Beach en Virginie avec pour seule présence le gros monsieur qui nous a marié dans son petit kiosque en bois au fond de son jardin. Il faisait nuit, il faisait froid mais j'ai voulu mettre la jolie robe que ma maman m'avait achetée avant de partir pour avoir une partie d'eux avec moi. Ce soir là j'ai décidé qu'on serai que tous les deux car je ne voulais pas avoir la famille de mon chéri et savoir la mienne de l'autre côté de l'Atlantique, triste de ne pas être présent au mariage de leur aînée. Nous nous sommes mariés très vite par rapport aux délais de l'immigration mais ça j'en parle un peu plus tard. Hunter et moi devions organiser une petite fête le 25 juillet avec sa famille et la mienne qui se seraient rencontrées pour la première fois afin de célébrer notre union lorsque mes parents devaient venir me rendre visite mais la suite vous la connaissez tous.

Je suis donc mariée à 23 ans avec un bel américain que j'ai rencontré à l'université à NY et j'habite maintenant dans cet immense pays que j'ai fantasmé pendant des années et dont tout le monde parle, c'est la vie dont j'avais secrètement rêvée mais pas celle que je pensais avoir et pourtant j'ai du mal à me réjouir et à me sentir accomplie. La deuxième partie de l'aventure avec l'immigration commence une fois mariés avec une tonne de papiers à remplir et la c'est l'enfer qui commence (en tout cas c'est la façon dont j'ai vécu les choses). Leur paperasse est vraiment hardcore, j'ai douté à chaque nouvelle ligne que je remplissais, je voulais que tout soit parfait pour pas qu'on me renvoie mon dossier. J'ai donc envoyé mon dossier une première fois avec le fameux chèque de 1725 dollars mais je n'étais pas soulagée pour autant et pour cause. Deux semaines plus tard je reçois mon dossier dans la boîte aux lettres avec aucune explication sur ce qui n'allait pas donc dans l'ordre j'ai pleuré, insulté le monde entier puis j'ai passé deux heures à décortiquer tout le dossier pour me rendre compte que mon imprimante avait mal imprimé un papier et qu'il manquait une case quelque part. Je me réjouis donc de mes talents de détective, je modifie l'erreur et je revoie le paquet à l'USCIS (ouai dans le jargon c'est comme ça qu'on appelle l'immigration). Deux semaines s'écoulent à nouveau et on me le renvoie encore! Cette fois-ci il y a un problème avec un document qui a été mis à jour entre temps mais je n'avais pas vérifié dans la hâte de renvoyer le dossier car il faut savoir que les délais de l'immigration américaine sont hyper longs et que le plus vite on envoie, le plus vite l'engrenage est enclenché. Comprenant que je n'y arriverai jamais toute seule car ça me ferai perdre trop de temps nous avons pris un avocat spécialisé dans l'immigration qui nous avais promis de s'occuper de tout sous 10 jours mais un mois plus tard il n'avait toujours pas envoyé le dossier. Donc nous rajoutons 1500 dollars pour les services de l'avocat (oui à 23 ans quand on rêve de vacances à l'étranger et de vie sans prise de tête ça fait mal).

Notre dossier a fini par être envoyé et réceptionné ce qui nous amène à aujourd'hui, l'heure à laquelle j'écris. Dans ma situation actuelle, en temps normal, je devrai obtenir ma carte verte dans environ 6-7 mois. Pour tous ceux qui ne se rendent pas compte ce que cela implique ça veut dire que en attendant je ne peux ni travailler, ni rentrer en France car même sans le covid-19 nous ne pouvons pas rentrer en France car si nous quittons les US ça annule notre dossier pour faire simple. Donc rajoutons à ces conditions déjà pas simple une pandémie mondiale qui se pointe, fait fermer les frontières, ralentie le train de vie du monde entier et fait craquer le slip de Donald Trump qui décide de s'acharner sur les immigrants en situation légal. Depuis donc le mois de février je suis là mais je ne peux rien faire, je ne peux pas travailler et j'ai l'impression d'avoir mis ma vie sur « off ». En attendant de pouvoir recommencer à vivre normalement, je survie. Car quand on ne travail pas, on n'a pas de revenu donc forcément on ne pars pas en road trip s'amuser et se divertir.

Dans mon malheur j'ai de la chance car j'ai passé la frontière américaine deux semaines avant qu'elle ferme ce qui veut dire que à deux semaines près c'était foutu je me serai retrouvée bloquée en France sans pouvoir voir mon chéri après déjà tant de temps de relation à distance. Je pense très fort à tous ceux et celles pour qui c'est le cas, qui ne savent pas quand ils reverront leur moitié car vue la tournure que prennent les événements c'est pas gagné. Au delà de ça mon statu est celui d'épouse de citoyen américain donc je ne serai pas trop pénalisée par le covid-19 mais Trump a déjà suspendu plein de visa et de cartes vertes, certaines personnes travaillaient sur un projet depuis des années et mettaient de l'argent de côté dans le but de venir s'installer ici et tout d'un coup leur rêve s'effondre. Mon but n'est pas de parler de politique car c'est bien trop compliqué aux Etats-Unis mais les délais déjà très longs à l'immigration vont être encore bien plus longs à cause de tout ça.

Si j'ai décidé d'écrire tout ça aujourd'hui je pense que c'est parce que j'ai besoin de vider tout ce que je porte sur mes épaules et dans mon cœur et peu être de faire comprendre aux miens en France la réalité de la situation et de ce que leur fille, leur pote ou leur cousine « l'américaine » traverse. Pour beaucoup d'entre nous et c'est normal s'expatrier dans un nouveau pays c'est super, c'est la fête et dans mon cas c'est « l'american dream » mais pour dire la vérité on est bien loin de la réalité. Ne me lisez pas de travers, je ne dis pas que tout est négatif et décevant mais par rapport à l'image brillante que j'avais dans la tête, ma réalité est tout autre. Mon excitation s'est transformée en stress et en incertitude et je ne me sent pas bienvenue dans ce pays que j'ai tant idéalisé. Je me demande tous les jours quand est ce que je pourrai rentrer en France car j'ai toute ma famille et mes amis là-bas ainsi que mes grands-parents qui sont âgés et qui me demandent chaque semaine quand est-ce que je rentre. Tout cela peu paraître anodin en temps normal mais en ce moment, étant donné la situation ce sont des choses qui me font cogiter et m'empêchent d'être pleinement heureuse et satisfaite à 100% de ma décision. Ma famille américaine me soutient et me dit qu'elle comprend mais au fond je sais qu'ils ne comprennent pas entièrement car ils ne sont pas dans ma situation et c'est bien normal. Ma famille et mes amis en France (en tout cas pour ceux qui en ont encore quelque chose à faire car on perd de vue un paquet de gens en partant) me disent qu'ils comprennent aussi mais encore une fois pas pleinement.

Mon réflexe a donc été de me retourner vers des gens dans la même situation que moi et j'ai trouvé des français qui vivent aux USA depuis plus ou moins longtemps dont une fille qui en est pile poil au même niveau que moi dans sa vie et dans les démarches administratives et ça fait du bien de se rapprocher et de s'entourer de gens qui comprennent et qui appartiennent au même « groupe ». J'utilise énormément les groupes Facebook qui regroupent plein de français qui se sont expatriés aux Etats-Unis et c'est chouette de pouvoir se faire conseiller et épauler par des gens qui comprennent. Après il y a aussi tous les imbéciles qui lâchent des « ben vous avez qu'à rentrer chez vous si vous êtes pas content » lorsque quelqu'un de désemparé exprime son mal-être en recherche de soutien et de compréhension. En bref s'expatrier c'est chouette mais il faut partir blindé dans sa tête et prêt à endurer des moments pas aussi rigolo que ce qu'on aimerai. Je n'oublie pas non plus ceux restés en France, nos familles, nos amis, qui nous aiment et nous soutiennent mais pour qui c'est dur aussi et qui se posent les mêmes questions que nous. Certaines familles ont leurs enfants et petits-enfants ici et pour certains ils ne les ont pas vu depuis des années et à cause du covid ils ne les verront pas pendant encore un moment. C'est très dur de vivre la distance et surtout en période de pandémie mais nous savons au fond que nous avons de la chance d'être en bonne santé et que ça pourrai être bien pire. Aujourd'hui ma pensée va à tous les expat (c'est le petit nom qu'on se donne entre nous) et à leurs familles partout dans le monde qui sont devenues pro de Skype et du calcul de décalage horaire. Vous nous manquez aussi .

« L'amour ne connaît pas les distances ». Honoré de Balzac

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